Depuis son ouverture en 2000, la Collection Lambert en Avignon a tracé son chemin en devenant, exposition après exposition, un musée reconnu en France et à l’étranger, et qui a su acquérir une véritable reconnaissance régionale, grâce par exemple à ses expositions hors les murs, d’Aix à Marseille, d’Arles à Vence, et aussi de Montréal à Moscou, de Madrid à Yokohama, grâce aussi à une véritable attention accordée au jeune public dès ses débuts.
Aussi, la Collection Lambert a ouvert ses portes à de très nombreux artistes de toutes nationalités, de toutes générations, dont beaucoup, amis et proches d’Yvon Lambert, ont réalisé des oeuvres uniques, magiques, pérennes ou pensées spécialement pour le musée : de Claude Lévêque avec son volcan avant l’irruption dans les combles du musée à Robert Barry avec son escalier bleu, de Jenny Holzer qui signe l’entrée du musée à Koo Jeong-a pour un plafond et la façade, de Lawrence Weiner à Niele Toroni dans la cour, et citons Douglas Gordon, Bertrand Lavier, Thomas Hirschhorn, Sol LeWitt ou Giulio Paolini… Plus qu’un bilan, l’exposition « Je crois aux miracles », révèlera le foisonnement de ces artistes invités à participer à des expositions thématiques qui ont fait date, avec par exemple « Collections d’artistes » en 2001, « A fripon, fripon et demi » en 2003 ou « Figures de l’acteur » en 2006, ou ceux invités à réaliser leur première exposition d’envergure en France, d’Andres Serrano à Candice Breitz, de Francis Alÿs à Christian Marclay, et à quelques grands maîtres, de Cy Twombly à Sol LeWitt, de Miquel Barceló à Douglas Gordon.
Ce foisonnement a généré, au-delà des liens amicaux et généreux (citons la politique éditoriale menée par la librairie avec plus de 20 éditions limitées créées à ce jour), d’autres projets, des acquisitions ou des dons conséquents. En effet, cette incroyable collection s’est enrichie de plus de 400 oeuvres en 10 ans, de dons incroyables, avec Douglas Gordon en tête suivi d’Andres Serrano, mais aussi d’oeuvres de Bertrand Lavier, Loris Gréaud, Cy Twombly, Anselm Kiefer, Miquel Barceló, Jonas Mekas, Nan Goldin, Garry Hill, Jonathan Monk, Roni Horn, Giuseppe Penone, Anna Gaskell, Spencer Finch… Tel un portrait en filigrane du collectionneur, l’exposition « Je crois aux miracles », égrainera aussi quelques oeuvres anciennes (sculptures, dessins, livres…) pour montrer que depuis toujours le musée a souhaité associer toutes les époques et tous les styles, ainsi que quelques oeuvres méconnues qu’Yvon Lambert avait discrètement offertes depuis longtemps à des musées français, du Louvre aux Arts décoratifs, du musée de Grenoble à la Ville de Vence…
Cette exposition s’organise selon un voyage réel et imaginaire où se télescopent des images qui mettent en résonance les grandes thématiques qui parcourent cette collection commencée dans les années 60 avec ces trois mouvements phare, l’Art minimal, l’Art conceptuel et le Land art, dont souvent la jeune génération s’inspire. Ainsi commence l’aventure par le voyage, associant les oeuvres du Land art rarement montrées et des photographies d’Anna Gaskell ou le départ en auto-stop de Mircea Cantor quittant son pays, un bâton de pèlerin filiforme de Rei Naito, un panorama de 7 mètres en file indienne de Shilpa Gupta. Aux grands noms liés à ces mouvements historiques (Richard Long, Christo, Dennis Oppenheim…) seront présentés des artistes moins connus et qui reviennent dans l’actualité internationale (David Askevold, Jan Dibbets, David Lamelas…). Un autre thème autour de la figure de Matisse, figure réduite à l’ovale, sera le point de départ d’une démonstration sur l’art minimal, le monochrome, le blanc et le trait, avec comme maîtres Robert Ryman, Agnes Martin et Robert Mangold, entourés de jeunes artistes reliant ces préoccupations à leur propre histoire personnelle (Jean-Charles Blais, Spencer Finch, Zilvinas Kempinas ou Loris Gréaud).
Un cabinet de curiosité associera des expositions passées et des obsessions du collectionneur avec Cy Twombly, Jannis Kounellis, Anselm Kiefer et aussi Carlos Amorales, Koo Jeong-a, Louise Lawler… Nos activités pédagogiques et l’école buissonnière seront honorées avec des cartes de géographie et des films de Marcel Broodthaers, le grand tableau noir de Bertrand Lavier, le cancre de Robert Combas ou de Francis Alÿs ; ces oeuvres rappelant la drolatique exposition « A fripon, fripon et demi » où les enfants ne parlaient plus de musée mais de cabane géante ! Dans la salle aux arcades parée du dernier Wall Drawing que Sol LeWitt fit réaliser en France peu de temps avant sa mort, des livres d’artistes et de bibliophilie seront présentés souvent pour la première fois tant leur rareté et leur fragilité les rend inaccessibles au public (On Kawara, Dan Flavin, Robert Ryman, Daniel Buren…)
Enfin tout le rez-de-chaussée questionnera le miracle de la vie, la vanité de l’existence (les commandes autour du thème du « Paradoxe du comédien » passées à Roni Horn, Andres Serrano, Vik Muniz ou Douglas Gordon rappelleront les relations intimes qui se tissent avec l’histoire du Festival), la mort figurée ou réelle (deux immenses oeuvres noires de Richard Serra telles les Portes de l’Enfer d’Auguste Rodin, des papiers à la mine de plomb de Brice Marden, un néon de Claude Lévêque, une peinture de Adam McEwen, les télégrammes et Date paintings d’On Kawara, une installation vidéo de Loris Gréaud…), et enfin la renaissance à travers l’amour de l’histoire de l’art, de la mythologie et la littérature :l’Egypte de Flaubert avec Julian Schnabel ou celles de Carlos Amorales, Joan Jonas, Sol LeWitt ou Anselm Kiefer. L’atterrissage se fera tout en douceur, par avion, aux portes du paradis, avec une vidéo simplissime et si énigmatique de Mark Wallinger. Retour sur terre avec l’immense oeuvre de Barbara Kruger que l’artiste californienne avait conçue pour l’ouverture du musée : « Talk to me », Parle-moi, tel un talisman pour une prochaine décennie pleine de promesse : le doublement des surfaces du musée et le projet de donation…
Eric Mézil
Commissaire de l’exposition