Éric Poitevin (1961, Longuyon) compte parmi les photographes les plus importants de la scène française. Attaché à la notion de représentation de la figure humaine, il photographie en 1995, de sa propre initiative, cent survivants de la première guerre mondiale.
Alors âgé de vingt-quatre ans, il commence donc un tour de France et réalise, en studio, à la chambre photographique, le portrait de ces personnes qui, nous dit-il, « ont presque tous pris le parti de ne rien dire, car lorsque la violence atteint un tel niveau, c’est comme si l’on rentrait d’un voyage dans l’espace ou je ne sais d’où ».
« Quand j’ai eu le projet de photographier les anciens combattants de 14-18, j’étais intéressé par la jonction après coup entre deux générations, faire la jonction entre la génération qui disparaît, qui a vu, et moi prenant le relais. Je crois que la guerre ne peut pas se photographier. Elle est forcément hors-champ. On ne peut en photographier que les séquelles... La photographie comme aide-mémoire... »
Il en résulte une série de cent portraits d’une très grande sobriété, cent figures de même format et de même composition, où chaque “poilu” se détache sur fond noir dans toute sa simplicité et sa dignité.
Il est vrai qu’il réside en Meuse, non loin d’un bois qui a été l’un des lieux de bataille les plus importants de la grande guerre, qui en garde encore les séquelles, et où sont toujours enfouis, dans des tranchées profondes, le corps de certains soldats.
À l’occasion de la présentation de ce projet, un ouvrage sera publié par Toluca Éditions, augmenté d’une suite inédite de correspondances avec les protagonistes ou leurs familles.