Saisissantes silhouettes hiératiques posées à même le sol, les sculptures de Tomoaki Suzuki évoquent les modes de vie et styles vestimentaires contemporains en réactualisant les traditions millénaires orientales de la sculpture sur bois. Le CAPC se réjouit de pouvoir accueillir dans la nef du musée une vingtaine de ces petites sculptures rares que l'artiste a réalisées entre 1999 et 2014, et qui proviennent des quatre coins du monde.
Tomoaki Suzuki fait "de la photographie en sculpture". C'est-à-dire de la sculpture réalisée à l'aide de la photographie. Tel le flâneur du XIXe siècle, mais immergé dans le monde des magazines et au fait des spécificités des codes du début du XXIe siècle, il observe les faunes lookées de Londres où il vit depuis 1999, et porte sur eux un regard anthropologique interrogeant leur impact sur nos vies tout comme leur côté éphémère. Avec une petite cinquantaine de sculptures à son actif, qui, lorsqu'elles sont montrées à plusieurs ne se regardent jamais, l'oeuvre de Tomoaki Suzuki aborde, à l'ère des réseaux sociaux, la question de l'être-ensemble, vu ici entre connection et isolement, sérieux et dérision.
On aurait pu imaginer ces œuvres de petite taille perdues dispersées sous la vaste et robuste nef de l'entrepôt Lainé. C'est tout le contraire. Elles en magnifient magistralement les proportions piranésiennes. En affichant leur solennité avec aplomb ainsi qu'une indifférence au monde - ce que traduit leur regard vague - ces petits aliens riches en détails invitent naturellement le visiteur à se mettre à leur niveau. Une fois à terre, le visiteur fait alors face à une "communauté", une communauté qui a valeur d'oeuvre parce qu'elle parle, du fait de l'indifférence des sculptures entre elles, de la destruction même de la communauté.