Deuxième exposition du cycle dédié aux collectionneurs 12 mai - 21 septembre 2015
Ce cycle d’invitations aux collectionneurs d’arts décoratifs et de design a été inauguré l’année dernière avec la présentation d’une très belle collection de verres de la Renaissance réunis par Philippe du Mesnil. Le musée invite aujourd’hui les collectionneurs Jacques et Laurence Darrigade à présenter leur remarquable ensemble de céramiques de Vieillard, pour partager leur passion avec le public du musée.
La possession induit un lien intime entre un individu et un objet et, de fait, collectionner est souvent une entreprise personnelle et solitaire. Mais les Darrigade font figure d’exception. Leur univers commun à tous les deux s’est peuplé de céramiques de Vieillard au gré d’impulsions partagées.
Depuis près de vingt-cinq ans, Laurence et Jacques Darrigade poursuivent, en effet, le rêve un peu fou de constituer un ensemble de faïences fines et de porcelaines qui soit un miroir de ce que la manufacture Vieillard a produit au XIXe siècle. Aujourd’hui, ils ont tant de pièces qu’elles ont envahi avec bonheur la maison, jusque dans la cuisine et les salles de bain. Pas un interstice vide, comme le montre le film documentaire réalisé à cette occasion par Judith du Pasquier afin de permettre au visiteur de pénétrer dans cet univers exceptionnel.
Si par ellipse on évoque communément la faïence fine bordelaise avec le seul nom de « Vieillard », son histoire se constitue en réalité en plusieurs étapes.
Elle démarre avec un artiste de génie, Boudon de Saint-Amans, qui découvre en Angleterre les procédés de fabrication de la faïence fine. Il entreprend de les réinventer sur le sol français, à Sèvres tout d’abord puis à Creil, à Montereau et à Choisy. En 1829, il rencontre le négociant bordelais Jean-François Rateau, avec lequel il établit un contrat afin de fonder la première manufacture de faïence fine bordelaise, Lahens et Rateau, qui sera en production dès octobre 1830. Elle ferme ses portes vers 1832-33, mais l’activité sera relancée en 1834 par David Johnston. S’associant à son tour avec le spécialiste Boudon de Saint-Amans, David-Johnston, irlandais d’origine, nommé à la magistrature municipale en 1838, ambitionne de doter Bordeaux d’une industrie importante. Mais la manufacture installée à Bacalan se trouve, en dépit de ses succès, dans une situation financière difficile. La liquidation de la société est prononcée en 1844. Dans le courant de la même année, il est proposé à Jules Vieillard, collaborateur technique de David Johnston, de constituer une nouvelle société, créée sous le nom de Jules Vieillard et Cie, ainsi la faïencerie de Bacalan continue de fonctionner.
Jules Vieillard, nommé gérant et directeur de la manufacture en 1845, meurt en 1868, en ayant réussi à développer l’entreprise jusqu’à une échelle industrielle. Ses deux fils, Albert et Charles, prennent la suite.
A la mort de Charles, en 1893, succèdera deux ans plus tard celle d’Albert.
La faïencerie fermera définitivement ses portes le 20 août 1895.
C’est cette longue et complexe histoire, où se mêlent l’art, l’économie et le commerce, que raconte la collection de Laurence et Jacques Darrigade.
Sont présentées plus de six cent pièces qui permettent, d’une part, au rez-de-chaussée où tous les murs seront tapissés d’assiettes et de plats, une immersion totale dans l’univers de la céramique de Lahens & Rateau, David Johnston et Jules Vieillard, et d’autre part, à l’étage, un parcours thématique qui met l’accent sur certains des points forts de la production émergeants à travers le prisme de la collection Darrigade : le « bleu Caranza » ; les décors inspirés du Japon et de la Chine ; des pièces débordant de fantaisie : les pendules ; les moutardiers : images de la diversité des décors ; la couleur Aubergine, etc.