Le 19ème siècle fut un temps de fondation des musées, et le 20ème celui de leur développement, de leur mise en cause, de leur réinvention et souvent de leur redistribution. Avec ses collections issues du musée du Trocadéro, du musée de l’Homme et du Musée des arts et traditions populaires, avec les questions contemporaines auxquelles il se confronte, le Mucem peut incarner une part essentielle de cette évolution grâce aux objets et aux idées ici transmises par un homme, Georges Henri Rivière (1897-1985).
En prenant la vie de Georges Henri Rivière comme fil constitutif de cette histoire, l’exposition décline en une trentaine de séquences l’étendue de ses contacts personnels et l’ampleur de sa vision d’un monde en pleine transformation. Elle dresse d’abord son portrait intime : ses origines, sa formation, son rôle d’intermédiaire jusqu’au moment où il va engager, avec tous ceux qu’il entraîne à sa suite, une véritable révolution des musées, qui précède et inspire leur situation actuelle.
Fils d’un père bourgeois et d’une mère paysanne. Il se destine à la musique et découvre avec son oncle Henri Rivière, l’un des animateurs du cabaret du Chat noir, le monde des collectionneurs et des érudits mais aussi le regard d’un artiste parmi les siens, ami de Degas, graveur et photographe remarquable. Sa sœur, Thérèse Rivière, le suivra au Trocadéro, devenant, dès sa première mission dans les Aurès avec Germaine Tillon, une excellente ethnologue dont la carrière fut brisée par la folie.
On découvre un Rivière musicien curieux de tout ce qu’apportent les années folles, de l’art moderne au Jazz et à la mode, de la photographie et du cinéma au music-hall. Journaliste polémiste, participant aux meilleures revues, Cahiers d’art et Documents, il s’impose au musée du Trocadéro, après avoir réalisé en 1928 la première exposition sur Les arts anciens de l’Amérique. Infatigable intercesseur et organisateur d’événements chocs, prenant en exemple les musées étrangers, il conçoit le Musée de l’Homme, autour de ses collections ethnographiques, comme un instrument de partage social et scientifique ouvert par le Front populaire à l’occasion de l’exposition internationale de 1937.
Rivière comprend qu’au-delà de l’ethnologie des cultures exotiques il faut s’intéresser au bouleversement annoncé des cultures rurales et ouvrières des pays de France, créant cette même année 1937 un « musée des arts et traditions populaires ». Notre parcours en déploie l’évolution, à travers ses expositions de préfiguration, jusqu’à son ouverture en 1972. Tout en restant proche des artistes, Picasso, Léger, et de leurs mécènes. Rivière explore et analyse les savoir-faire artisanaux et toutes les facettes de l’invention populaire, de l’imagerie jusqu’aux arts du cirque. Il révèle les forces, les beautés, l’humour et les potentialités d’un monde que l’on croyait révolu.