La définition du folklore a suscité et suscite encore aujourd’hui d’importantes polémiques : le terme, créé en Angleterre au milieu du XIXe siècle, et signifiant littéralement « le savoir du peuple », sera rapidement banni des milieux intellectuels et scientifiques au XXe siècle en raison de récupérations idéologiques ou de l’amateurisme de spécialistes souvent autoproclamés – à tel point que l’on a parfois considéré le folkloriste comme un artiste, et inversement.
L’exposition s’ouvre sur le fantasme d’une quête des origines, l’attrait d’un « exotisme de l’intérieur », ou de supposées survivances archaïques qui guident Paul Gauguin, Paul Sérusier et les Nabis en Bretagne à la fin du XIXe siècle, Vassilly Kandinsky et Gabriele Münter lorsqu’ils s’installent en Bavière, ou encore Constantin Brâncuși, évoquant les traditions artisanales de son pays natal.
Apparaissent rapidement les paradoxes d’un domaine fréquemment associé à des revendications nationalistes, ou instrumentalisé par un discours politique – tensions au coeur de démarches d’artistes tels que Jimmie Durham, Valentin Carron, Mélanie Manchot ou Amy O’Neill.
L’exposition se poursuit avec le folklore qui constitue également pour les artistes un vivier de formes et un répertoire inépuisable de motifs et de techniques, ayant contribué au renouvellement du vocabulaire des arts plastiques, comme viennent l’illustrer les travaux d’ateliers du Bauhaus ou de Sophie Taeuber-Arp, ou les peintures de Natalia Gontcharova entre autres. Cependant, cette réappropriation formelle ne doit pas faire oublier que les motifs et les symboles renferment de temps en temps un langage sous-jacent : de la sorte, les oeuvres de Július Koller ou d’Endri Dani revêtent eux aussi, à l’image de certaines expressions folkloriques, une dimension subversive.
Mais le terme « folklore » est fondamentalement lié à l’immatériel et à la tradition orale : dialectes, proverbes, musiques, danses, rites et croyances, superstitions, ou créatures fantastiques. C’est cette dimension plus conceptuelle que matérielle du folklore qui intéresse nombre d’artistes après-guerre, parmi lesquels Joseph Beuys ou Constant, ou plus récemment Michel Aubry, Susan Hiller ou Maria Teresa Alves, et qui se retrouve également au cœur de l’exposition.
Alors qu’au cours les années 1970, la dimension anthropologique de l’art se voit mise au devant de la scène internationale, des artistes empruntent aux ethnologues leurs méthodes d’enquête et de collecte, puis de classement ou de reconstitution, et seront notamment fascinés par cette nouvelle muséographie du quotidien, ainsi qu’en témoignent Marcel Broodthaers, Raymond Hains ou Claudio Costa, de même que les générations les plus récentes, avec Jeremy Deller et Alan Kane, Pierre Fischer et Justin Meekel, amenant à dresser ici le portrait de « l’artiste en folkloriste ».
Enfin, à l’ère de la mondialisation, qui s’accompagne d’une tendance à l’uniformisation, et dans laquelle sont perpétués des folklores créés de toutes pièces pour l’industrie touristique, l’exposition explore les paradoxales « nouvelles géographies du folklore » qui, à l’instar des populations, continue de se déplacer avec elles, et ne cesse d’être revisité, voire réinventé par les artistes : Bertille Bak, Corentin Grossmann, Pierre Huyghe, Johanna Kandl…
Le Mucem preésentera cette exposition à l'automne.