Absalon Absalon est une exposition collective qui prend comme point de départ l’œuvre prématurément interrompue de l’artiste franco-israélien Absalon pour en proposer une interprétation renouvelée, à travers un réseau d’affinités formelles et conceptuelles avec une sélection d’œuvres de certain·e·s artistes de sa génération.
Connue pour ses Cellules, des constructions architecturales géométriques d’un blanc immaculé, que l’artiste avait conçues et construites pour les habiter, la pratique d’Absalon a souvent été considérée à l’aune d’une généalogie des avant-gardes, dans la continuation d’une abstraction radicale, générique et idéalisée, déconnectée des contingences du monde. Sans nier que l’œuvre d’Absalon ait des traits communs avec une certaine téléologie historique, l’exposition propose d’en questionner les intentions et significations en en proposant une approche plus subjective, politique et incarnée.
À partir d’une large sélection de ses dessins, maquettes, sculptures, plans et prototypes à l’échelle un, elle entend d’abord montrer comment l’œuvre d’Absalon s’articule autour d’un unique programme, dont la trajectoire linéaire devait aboutir à un projet de vie, qui dépasserait le champ de l’art. Dès lors, sous son minimalisme de surface perce une multitude de questions sociales, affectives et psychologiques, qui toutes concernent l’émancipation d’un corps physique par rapport au corps social. Une échelle politique, mais absolument personnelle, minoritaire et non prescriptive, telle une poche de résistance lovée au cœur du système, plus implosive qu’explosive. Au sein des Cellules,il est moins question de claustrophobie ou de retranchement que de la construction d’un espace mental et physique à l’échelle un, à la fois protégé et connecté. Un bio-dispositif parasite qui fonctionne comme un lieu de vie et de soin dans un environnement considéré par l’artiste comme un ensemble d’assignations et de déterminations culturelles dont son œuvre doit lui permettre de s’affranchir.
En regard de cette utopie concrète, dans une logique de dépliage plus que de dialectique, un choix précis de travaux de huit artistes (Alain Buffard, Dora García, Robert Gober, Felix González-Torres, Marie-Ange Guilleminot, Mona Hatoum, Laura Lamiel, Myriam Mihindou) crée des perspectives multiples, qui sont autant de courroies de transmission vers des questions culturelles, spirituelles, identitaires, poétiques et sentimentales, dissimulées au cœur de l’œuvre-programme d’Absalon, en allant au-delà de son premier abord monolithique et insondable. Elle place rétrospectivement la carrière fulgurante d’Absalon non pas au sein d’un hypothétique esprit des temps (celui des années 1990), mais dans un réseau de résonances politiques, formelles et affectives dont les échos s’entendent encore aujourd’hui.
Reconsidérer l’œuvre d’Absalon presque trente ans après sa disparition implique d’abord de réfléchir à sa singularité, mais aussi à sa proximité avec une certaine génération d’artistes qui a émergé internationalement au tournant des années 1990. L’œuvre d’Absalon, tout entière tendue par une volonté de vivre, et de vivre selon ses propres termes, est à situer près de celles des artistes qui, notamment dans le contexte de la lutte contre le sida, ont mis de côté les atermoiements qui avaient un temps séparé l’activisme de la pratique artistique pour se lancer dans des pratiques motivées par l’urgence et la nécessité impérative d’exister et de témoigner. Une dénonciation incarnée, performée, physiquement « incorporée », des mécanismes de l’oppression et du déterminisme, qui place rétrospective- ment la carrière fulgurante d’Absalon dans un réseau de résonnances dissidentes dont les échos s’entendent encore aujourd’hui.