Prenant la suite d’expositions comme Design et merveilleux (MAMC St Etienne, 2018, Centre Pompidou-Shanghai, 2020) et la Fabrique du vivant (Centre Pompidou Paris, 2019), cette troisième exploration est autant historique que prospective.
Dès la fin du XIXe siècle, le biomorphisme (influence de la nature sur la représentation des formes artistiques) accompagne la modernité naissante. Les avant-gardes historiques du début du XXe siècle mettent en avant la notion d’organisme ainsi que la dimension auto-générative dans la création des formes. Cette exposition réunit les grands designers de la modernité, en France, dans les pays scandinaves, au Japon, pour montrer de quelle manière ce nouveau langage moderne puise dans la nature et les sciences ses formes organiques, d’Alvar Aalto à Sori Yanagi. Dans les années 1930, Charlotte Perriand capte dans ses photographies la force de la matière dont elle s’inspire dans ses objets de design.
Dans l’après-guerre, Charles et Ray Eames réinventent le design à travers leurs formes organiques. En France, Serge Mouille, dont le fonds exceptionnel au sein des collections du Centre Pompidou est présenté pour la première fois, développe une approche biomimétique dans la conception de ses luminaires. Dans les années 1960, le Pop puise son hédonisme dans la nature. De Verner Panton à Pierre Paulin, les objets de design recréent une nature artificielle et investissent l’environnement comme des « paysages » avec lesquels interagissent les utilisateurs.
Dans les années 1980, Andrea Branzi inaugure une nouvelle forme de « néo-primitivisme » en intégrant directement des éléments naturels, tels des branches d’arbre, dans ses réalisations (Animali domestici, 1985). La nature, et non plus sa représentation, fait désormais partie intégrante de l’objet de design. Entre nature et artifice, se tiennent les Rêveries urbaines de Ronan et Erwan Bouroullec qui recréent un « merveilleux » atmosphérique.
Aujourd’hui, à l’ère digitale, la nature a fait place à notion de « vivant » qui se donne sous une nouvelle forme d’artificialité, entre l’inerte et l’animé, l’organique et le machinique. Le design recourt à la « biofabrication » : les biomatériaux, produits à partir d’organismes biologiques, engendrent à présent de nouveaux objets durables et biodégradables.
Des objets iconiques du modernisme, dans leur réinterprétation de la nature, au design le plus récent, explorant une nouvelle « naturalité » numérique (Ross Lovegrove, Joris Laarman, Michael Hansmeyer), c'est une mutation profonde du concept même de nature qui est interrogée, dans ses liens avec la production technique et technologique, à travers les recherches les plus innovantes dans le secteur du design aujourd’hui.