En associant sculptures, objets, collages, costumes et textes dans de vastes installations ludiques, poétiques et colorées, le travail d’Eva Koťátková suggère l’emprise de l’environnement social sur nos vies personnelles. Inspiré par la poésie surréaliste, les mécanismes théâtraux, la psychanalise et certaines formes d’éducations expérimentales, son travail développe un rapport étroit à la narration.
Spécifiquement conçu pour la nef du Capc, "Mon corps n’est pas une île" prend la forme d’un corps gigantesque, mi-poisson, mi-humain, à la fois contenant et médiateur d’une myriade d’histoires, dont la mélopée entêtante sera audible dans tout l’espace. Tout à la fois corps à l’identité trouble et paysage dans lequel le visiteur pourra s’immiscer pour écouter ces histoires, ce corps fragmenté contient en son ventre un ensemble important de boites et de caisses d’où semblent vouloir s’échapper des créatures animales et humanoïdes.
Le motif récurrent de la caisse renvoie de manière indirecte à l’histoire de l’Entrepôt Lainé, autrefois lieu de stockage de denrées coloniales, mais également à l’ambivalence de cet objet. La caisse symbolise en effet la mobilité, la capacité à se déplacer d’un endroit à un autre, d’un état à un autre, mais aussi la norme, la codification, et notre désir de littéralement tout mettre en boite, comme pour conjurer notre peur du chaos.
Tous les dimanches pendant la durée de l’exposition, "Mon corps n’est pas une île" sera habitée et activée par des performeurs qui viendront partager ces différentes histoires avec le public, celle de l’enfant harcelé à l’école, celle du serpent qui fait sa mue, ou encore celle du buisson qu’on arrache à son environnement pour le planter dans le jardin d’une zone pavillonnaire. L’installation, en forme de plateforme de discussions et d’échanges, sera également le lieu d’un ensemble de rendez-vous avec des spécialistes – en biologie sous-marine, éthologie ou philosophie – ou avec différentes associations de lutte pour la dignité des êtres. Toute l’installation semble portée par ce cri vital que pousse un des personnages : « Je rêve d’un corps qui aurait plusieurs peaux à sa disposition ».