Dominique Gonzalez-Foerster nourrit son œuvre d’une mémoire vivante du cinéma, de la littérature et des structures ouvertes de l’architecture et de la musique. En 2012, elle initie une série d’œuvres performatives, des apparitions, dans lesquelles elle incarne des personnages tels que Bob Dylan, Emily Brontë ou Louis II de Bavière qui forment un opéra fragmenté sans commencement ni fin, M.2062, qui rend caduque toute idée d’unité de temps et d’action. Ces performances au cours desquelles l’artiste se laisse habiter par d’autres personnages, prennent parfois la forme de projections holographiques, réactivant des performances mythiques: Sarah Bernhardt jouant L’Aiglon ou Klaus Kinski donnant vie au possédé Fitzcarraldo. Dominique Gonzalez-Foerster laisse l’œuvre en suspens, en déplacement, afin de la faire apparaître «ici et maintenant». Elle place le visiteur au cœur de l’œuvre. En janvier 2016, elle incarne l’opéra et se transforme en Maria Callas. Cette apparition devient une œuvre autonome OPERA (QM.15).
Dominique Gonzalez-Foerster précise combien ces apparitions «ont plus à voir avec une séance de spiritisme – une tentative de communiquer avec certains esprits – plutôt qu’avec du théâtre ou du cinéma, une sorte de transe préparée, permettant l’apparition ou la réapparition de moments artistiques intenses.» Figure archétypale et primordiale, surgissant de l’obscurité avant de s’y dissiper à nouveau, la Callas apparait. L’artiste hante le musée à travers cette enveloppe spectrale, lui insuffle une nouvelle intensité autant qu’elle est habitée par la diva, jusqu’à confondre sa voix à celle de l’iconique soprano. Les enregistrements d’arias de Medea de Luigi Cherubini, de La Traviata de Giuseppe Verdi et de La Gioconda d’Amilcare Ponchielli, sont ceux de la jeune Maria Callas au sommet de son art, alors que son emblématique robe rouge signe les dernières représentations de la diva, dix années avant sa mort. La disjonction dans cette même image de deux temporalités irréconciliables, accentue l’émotion générée par la rémanence de cette image fantôme, même après que l’artifice de cette illusion a été révélé. Il se dégage de ce corps flottant au traitement spectrogène une forme d’irratio- nalité, une sorte de fascination mêlée de stupeur. Les apparitions de Dominique Gonzalez-Foerster donnent corps à un entremonde, où même à distance, dans des temporalités et des mondes parallèles, l’art et la vie, le réel et l’imaginaire peuvent, pour un temps, cohabiter.