Eva Medin étudie la relation entre les formes héritées de l’histoire de l’art, les récits spéculatifs de la science-fiction, les croyances animistes et la puissance du sublime. En les recombinant au gré des projets, elle génère des environnements immersifs rendant manifeste la prise de conscience d’un changement d’ère, et de statut, entre art et militantisme.
L’artiste se réfère régulièrement au terme de solastalgie, une mélancolie qui peut figer toute action et reflète l’envie de se relocaliser, de retrouver sa propre Terre. L’humain y est une entité parmi d’autres, une partie de la conscience du monde à parts égales de forces, d’organismes ou d’essences avec et entre lesquelles les interactions sont permanentes malgré leur invisibilité.
Alors que la modernité a géométrisé les espaces, réparti les rôles et séparé les espèces, assouvissant une volonté de puissance trop humaine, un changement d’ère pourrait laisser place à une reconfiguration des liaisons entre physique et immatériel. Si un tel monde est appelé à se créer, quelles seraient les formes de vie fondamentales qui pourraient y apparaître ?
En revisitant les imaginaires de la mutation et de la métamorphose, Eva Medin souligne aussi bien le caractère anticipatif des grands récits de l’époque que la puissance évocatrice de la culture populaire, hybridant à l’envi homme et mouche, robot et policier, chair et technologie, terrestre et sacré.
Composite, à la fois plante et architecture, règne rudéral et nouvel âge du métal, fluctuant mais sans jamais se couler définitivement dans aucune condition, chacun de ces nouveaux agrégats évolue dans un paysage, c’est-à-dire la formalisation d’un temps et d’un espace reflétant un état d’esprit, selon les termes qu’emploie J. G. Ballard dans La Foire aux atrocités - l’environnement est un codage symbolique.
Si Eva Medin use de fiction, de science-fiction, elle la met au service d’une lecture acerbe du présent.
L’intention scénographique et l’emploi de matériaux empruntés aux trucages cinématographiques composent ici un tableau en volume : engagé dans cette immersion, le spectateur mouvant dévoile les facettes des œuvres, s’enfonce dans les strates d’une histoire naturelle fictionnelle, et devient le principe actif, non pas seulement du processus d’exposition, mais de la transformation des consciences à l’ère de tous les dérèglements.
Avec le soutien de la Galerie Liusa Wang (Paris).
Lauréate du Prix des Amis du Palais de Tokyo 2019-2020