En 1974, Yvon Lambert réalise dans sa galerie de la rue de l’Echaudé (Paris) une exposition consacrée à Dan Flavin, en collaboration avec l’artiste. Une large correspondance entre le collectionneur et l’artiste américain, conservée dans les archives de la galerie d’Yvon Lambert, témoigne aujourd’hui de l’exposition réalisée en 1974 et de la relation que les deux hommes ont entretenue à cette occasion. La même année, en marque d’affection, Dan Flavin présentait à Yvon Lambert trois diagrammes pour la réalisation d’une œuvre qu’il souhaitait lui dédier : (for Yvon Lambert), 1974. Les dessins seront malheureusement perdus par un ami du galeriste, envoyé à New York pour les montrer à nouveau à l’artiste en vue de la réalisation de la pièce. Ils ne referont jamais surface.
Des années plus tard, ils réapparaissent sous la forme de photographies documentaires conservées par le Musée National d’Art Moderne qui, dans les années 1970, avait l’habitude de missionner un photographe dans certaines galeries parisiennes afin que l’ensemble des œuvres qui y étaient présentées soient photographiées et archivées.
L’exposition organisée à l’été 2022 entend réactiver cette mémoire et parachever l’histoire et la collaboration entre les deux hommes en organisant la présentation d’une sélection d’œuvres emblématiques de l’artiste dans le musée avignonnais. Si Dan Flavin est décédé seulement quatre ans avant que la Collection Lambert ne voie le jour dans la cité papale, il ne fait nul doute qu’il y aurait été invité et y aurait certainement séjourné, comme l’ont fait tous les artistes dont le travail a été défendu par Yvon Lambert. Sol Lewitt, On Kawara, Lawrence Weiner, Brice Marden, Robert Barry, Carl Andre, Cy Twombly, Giulio Paolini et tant d’autres ont ainsi marqué de leur présence sensible les salles des hôtels particuliers qui abritent la collection du marchand parisien. Beaucoup y ont travaillé, y réalisant parfois des œuvres spécifiques.
C’est à travers les œuvres que Dan Flavin a dédiées à des artistes amis engagés à ses côtés dans les révolutions esthétiques des années 1960 ou à des artistes qui le précèdent et auxquels il a rendu hommage tout en les mettant à l’épreuve du temps, qu’a été conçue cette exposition.
Qu’elles se réfèrent dans leurs titres à Vladimir Tatline, Josef Albers, Henri Matisse, Alexander ‘Sandy’ Calder, Ad Reinhardt, Barnett Newman, Jasper Johns, Cy Twombly, David Smith, Sol LeWitt ou Donald Judd — des artistes pour lesquels Yvon Lambert manifeste aussi une affection particulière — elles constituent surtout autant d’épiphanies qui instaurent ici et maintenant la possibilité de faire l’expérience sensible de l’art et des lieux qui en accueille la manifestation.
Tout en racontant en filigrane le respect et l’affection des deux hommes pour les artistes de leur temps, pour ceux dont les œuvres ont bouleversé le cours de l’histoire de l’art depuis l’avènement de la modernité, l’exposition montre comment le geste de Dan Flavin ouvre de nouveaux champs à l’expérience de l’art, à sa conception, sa réalisation et son inscription dans de nouvelles situations sensibles offertes à ceux qui en éprouvent la réalité. Comment ces agencements de tubes de lumières fluorescents — dont l’artiste explique qu’ils sont ce qu’ils sont et rien de plus — inventent depuis la célèbre the diagonal of May 25, 1963 (to Constantin Brancusi) autant de nouvelles situations où se redéfinit et s’éprouve la relation à l’art.