Depuis plus de quarante ans, Laura Lamiel élabore une œuvre d’une grande cohérence formelle qui explore différents états perceptifs, mentaux et affectifs. Par l’assemblage, la confrontation et la mise en tension d’objets trouvés et de matériaux bruts, de couleurs et de lumières, de sensibilités et de matérialités, ses œuvres ouvrent autant qu’elles dissimulent des espaces tant physiques que psychiques. L’acier émaillé, le cuivre, le coton, le verre, l’encre rouge, le tissu, le miroir, le métal s’électrisent au contact d’objets accumulés et d’éléments de mobilier pour composer des espaces architectoniques à la fois autonomes et fragmentaires.


Introspective plus que rétrospective, son exposition personnelle au Palais de Tokyo présente, à travers un ensemble de pièces existantes et de nouvelles productions, les différentes facettes de son travail à la recherche d’écarts vertigineux entre des vocabulaires : des peintures aux installations en passant par ses photographies et son prolifique travail de dessin et des vidéos rarement présentées. Parcourue de voix invisibles et de silences électriques, elle résonne dans l’ensemble du niveau 0 du bâtiment sous la forme d’un paysage à arpenter dans une pénombre troublée par la blancheur des sources lumineuses émanant des œuvres elles-mêmes.


Comme le souligne son titre inspiré d’un livre de Nathalie Sarraute, son oeuvre s’y déplie par échos, vibrations et bourdonnements mais aussi silences et respirations. Jouant de la saturation et du vide, c’est le son comme sensation, comme présence plus que comme phénomène physique qui articule les relations organiques entre les œuvres présentées.


Conçue comme une installation globale en dialogue avec l’architecture, son exposition témoigne de la relation très forte que l’artiste entretient avec l’espace, qu’il s’agisse de celui de l’exposition ou de celui du travail. Ponctué de pièces disséminées dans la totalité du niveau 0 du Palais de Tokyo, le parcours de l’exposition invite ainsi par touches chromatiques à pénétrer dans une instance d’atelier-cerveau dans laquelle les oeuvres se déploient en ondes concentriques avant de se laisser guider par le son sur les rives du Gange.


À l’instar du mouvement de la pensée procédant par bonds et replis, fulgurances et ressassements, Vous les entendez ouvre des mondes intérieurs et extérieurs en clair-obscur. Hantées de présences invisibles, jouant d’opacités et transparences, de récurrences chromatiques et de confrontations extrêmes entre des contraires, les œuvres qui la composent éprouvent sans effet superflu ni théâtralité des espaces enchâssés comme autant de recoins de la mémoire et de ses territoires intimes.