La Bourse de Commerce — Pinault Collection invite Tacita Dean à présenter une exposition constituée d’œuvres inédites, conçue en résonance avec la saison « Avant l’orage », qui se déploie dans le musée depuis le 8 février. Il s’agit de sa première exposition d’envergure dans une institution française depuis celle présentée au Musée d’Art moderne de la Ville de Paris en 2003. L’ensemble des œuvres ont été spécifiquement réalisées pour son exposition « Geography Biography ».
Tacita Dean utilise le film, la photographie, le dessin, le collage. Son œuvre se distingue par l’attention qu’elle porte au temps, par l’invitation qu’elle lance au hasard, avec l’incertitude pour corollaire. À la dématérialisation des images, à leur consommation frénétique, l’artiste répond par la lenteur, par l’œuvre de la main, en réinvestissant, avec une patience appliquée, la matérialité de ces médiums et l’amplitude de leurs formats. À la craie, au pinceau, avec la pellicule analogique, à travers la photographie argentique, elle invite à faire l’expérience physique de l’œuvre, jouant des échelles, entre le monumental et l’infime, l’éternel et l’éphémère. Dans la Galerie 2, le temps géologique croise la fugacité d’une floraison : les temporalités contrastent pour mieux nous aider à saisir l’ineffable. Un dessin inédit, The Wreck of Hope (2022), de plus de sept mètres de long, reproduit un glacier millénaire à la craie : la fragilité de la matière rend à la fois délicatement et radicalement perceptible celle de ce géant du fond des âges périclitant. Des photographies Sakura (Taki I) (2022) et Sakura (Jindai I) (2023) montrent des sakuras, prunus japonais, dont les branches sont étayées pour soutenir leurs floraisons éphémères, symbole de la renaissance cyclique de la vie. En retouchant ces monuments au crayon de couleur, l’artiste expose autant leur vénérabilité que leur vulnérabilité. L’artiste montre ici ces immortels en voie de disparition, avec la force et la tension qu’aucune image d’actualité ne saurait contenir.
Dans l’orbe de la Rotonde, après la forêt en mutation de Danh Vo, Tacita Dean inscrit un pavillon circulaire, dessine un cercle dans le cercle, comme une éclipse. Sous l’ample panorama peint qui s’étire au-dessus des visiteurs et qui dépeint les projets d’expansion commerciale et coloniale de la France sous la Troisième République, l’artiste inscrit une géographie plus personnelle. Geography Biography (2023), film 35mm – produit pour cette exposition à la Bourse de Commerce – présenté par l’artiste dans cet espace mis au noir, dessine une cartographie autobiographique : les images filmées dans diverses parties du monde s’incrustent dans des cartes postales du 20ee siècle de sa collection, pour offrir des paysages recomposés, faire revivre des temporalités lointaines et rêvées, des fragments de vie et de mémoire de l’artiste. Ainsi le film 35mm présenté sous forme de dyptique, selon l’artiste, devient « une manifestation très physique du temps : vingt-quatre images par seconde. Quand on travaille avec un matériau physique, on a affaire à un temps physique, non à quelque chose d’hermétique ou de discontinu ».