Et si le Domaine de Chaumont-sur-Loire se rapprochait, cette année, de l’esprit des Jardins de Bomarzo, avec quelques monstres et quelques folies, des personnages fantastiques, surgis de l’univers des contes ou de la mythologie, dans les bosquets touffus du Parc historique !
En tout premier lieu, La Grotte Chaumont de Miquel Barceló, oeuvre monumentale, en céramique, réalisée dans son atelier briqueterie de Majorque, aux dimensions exceptionnelles — près de 8 tonnes — encore jamais atteintes par l’artiste, thaumaturge passionné de longue date par la plasticité de la terre et son énergie tellurique. Conçue dans l’esprit du célèbre manteau de la cathédrale de Majorque, mais destinée à affronter les duretés du temps, cette grotte, comme la bouche géante d’un monstrueux animal prêt à nous happer, constitue une grande première, à la fois chef-d’oeuvre esthétique et performance technique inégalée.
Non loin de là, et tout aussi énigmatiques, les figures géantes tissées de corde de Prune Nourry intriguent le regard, avec leurs immenses silhouettes anthropomorphes se transformant en arbres sous nos yeux, tandis que L’Oiseleur et L’Homme sauvage, deux pièces impressionnantes de Denis Monfleur, ont pris place dans de grands taillis verts du Parc. Mais l’oeil n’est pas encore au bout de ses surprises. N’est-ce pas un cèdre aux atours dorés qu’il aperçoit ? Ainsi paré, l’arbre bijou d’Olga Kisseleva peut révéler son mystérieux langage. Voici que surgit alors Le Locataire de Gloria Friedmann. Dressée sous l’Auvent des Écuries, l’impressionnante sculpture de terre nous interroge sur notre rapport à la nature et notre place sur Terre. Pouvons-nous encore rejoindre le point d’équilibre nécessaire à notre survie ?
Nouvelle étape dans le parcours du visiteur et tout aussi spectaculaire, l’apparition des imposantes sculptures en acier corten de Bernar Venet. En dialogue avec les grands arbres du Parc, leurs arcs ajoutent à l’esprit du lieu la magie de leurs formes circulaires. Autre artiste, autre métal. Vincent Barré a conçu, quant à lui, des fûts oblongs traversant l’espace, sorte de signes anonymes, impénétrables, dans ce lieu chargé d’histoire et marqué par l’art, nous parlant de la fugacité des choses et de notre passage en ce monde. Ici, tout est sujet à interprétation comme dans les Jardins de Bomarzo.
Mais quittons le Parc historique pour rejoindre d’autres extravagances, d’autres visions de la nature. Entrons dans des univers gorgés de jardins, de fleurs, de feuilles, de terre et même de pollen. C’est dans les Galeries hautes du Château que nous découvrons l’atmosphère subtilement enjouée du peintre Vincent Bioulèsavec une quarantaine de tableaux liés à la nature et au paysage, où rayonne une science exceptionnelle de la couleur et de la lumière. À quelques salles de là, attend la fabuleuse pièce Laissez entrer le soleil de Pascal Oudet, qui transforme en dentelle la matière d’un chêne et nous en livre l’histoire intime.
Comme en contrepoint à cette effervescence de formes, l’installation minimaliste de Kôichi Kurita habite la Tour de Diane. Les fascinants flacons emplis de terre s’y alignent offrant une part de la précieuse bibliothèque de Terre, utopie concrète, que l’artiste constitue depuis 20 ans.
De retour du Château, les lustres suspendus de Pascale Marthine Tayouattendent les visiteurs dans la Grange aux abeilles. Magnificence de la nature hybridée avec les matériaux-déchets de l’humanité.
Dans les galeries de la Cour Agnès Varda, les jardins merveilleux de Damien Cabanes s’offrent au regard. Issues d’une résidence au Domaine de Chaumont-sur-Loire, ces peintures sur papier ont la fraîcheur du saisissement de l’instant et la profondeur d’un geste trempé dans l’histoire de l’art.
La Cour de la Ferme accueille, quant à elle, Mundo Perdido, trois architectures en bronze doré à la feuille, d’Anne et Patrick Poirier, tandis que le duo d’artistes habille l’Asinerie de peintures et de photographies sur porcelaine aux messages à dessein : “La nature, pour être commandée, doit être obéie”, peut-on lire sur l’un d’entre eux. À l’étage, la prairie imaginaire de Karine Bonneval réhabilite la beauté des pollens, dont la mission est de transmettre la vie. En changeant le regard, l’art a vraiment le pouvoir de transformer le monde.