D'abord montrée au MADRE (musée Donnaregina d’art contemporain, à Naples du 24 juin au 12 septembre 2022), dans sa déclinaison marseillaise, l'exposition bénéficie du prêt de nouvelles archives, d'une nouvelle conception scénographique et d'un catalogue d'exposition enrichi. Parmi la cinquantaine d'œuvres et d'archives exposées au Mucem (film 16 mm, vidéos, photographies, arts graphiques, documents d'archives, peinture), six œuvres de Clément Cogitore sont présentées, dont cinq jamais montrées en France, avec des prêts privés et publics, français et internationaux.
Entre fin juin et mi-juillet 1831, l'activité volcanique sous-marine fait naître une nouvelle île en Méditerranée, dans le canal de Sicile en face de la Tunisie. Alors que les marins et les habitants des côtes voisines craignent le réveil d'un monstre marin, le nouveau territoire éveille la curiosité des scientifiques et la convoitise des puissances européennes en pleine expansion coloniale. En quelques semaines, l'île est revendiquée pour sa position stratégique par la Grande-Bretagne, la France et le Royaume des Deux-Siciles, entre autres. Cependant, la compétition est de courte durée : six mois à peine après son apparition, l'île nouvellement formée sombre sous les vagues de la Méditerranée. Ses noms multiples restent cependant consignés dans les archives européennes : « Ferdinandea » pour le Royaume des Deux-Siciles en l'honneur du roi Ferdinand II de Bourbon, « Julia » pour les Français en référence à la monarchie de juillet et « Graham » pour les Anglais d'après Sir James Graham, premier Lord de l'Amirauté. Sommeillant aujourd'hui à quelques mètres de profondeur, le rocher basaltique est surveillé de près par les sismologues ; une nouvelle éruption pourrait à tout moment le faire resurgir et susciter à nouveau des manœuvres géopolitiques, des logiques d'exploitation et d'exclusion des puissances impérialistes.
À travers les films, vidéos et photographies créés pour l'exposition, Clément Cogitore, artiste philosophe, spécule sur l'émergence, la chute et la possible réémergence du volcan. Entre documentaire et fiction, son intuition métaphorique orchestre prémonitions, croyances populaires, documents d'archives, relevés scientifiques et cartographiques : entre ses mains, « Ferdinandea » devient le miroir de différents rapports au monde et de futurs possibles. Selon le récit multiforme de Cogitore, « Ferdinandea » constitue une utopie/dystopie immergée, un lieu de tous les possibles à partir duquel l'artiste invite à repenser l'espace de la « mer du milieu ».