L’exposition
L’UCCA présente Shen Yuan: Hurried words, une installation poétique présentant deux œuvres majeures de l’artiste chinoise : un « paysage » constitué de peignes et plus de quatre-vingts langues miniatures en tissu, soufflées par des sèche-cheveux. Ces deux installations ouvrent une nouvelle forme de dialogue entre les cultures, au cœur du travail de Shen Yuan qui a émigré en France il y a vingt ans.
« Shen Yuan explore une dimension physique à travers son œuvre, avec cette énorme brosse à cheveux en guise de totem réunissant plusieurs cultures, comme nous essayons de le faire ici, à l’UCCA », explique le directeur de l’UCCA, Jérôme Sans.
Un peigne géant occupe la salle centrale. Au-dessus se trouvent enchevêtrées différentes coiffures, constituées de cheveux asiatiques, africains et occidentaux. Cette idée provient du quotidien. Quand nous nous coiffons, certains cheveux restent sur le peigne, tels une coiffure en modèle réduit ou de petites plantes en train de pousser. L’artiste y voit tantôt une foule, tantôt une forêt. Sur le côté, le sèche-cheveux géant fait flotter cette multitude de langues tout en couvrant le son qu’elles produisent.
Quand elle quitte la Chine en 1990, Shen Yuan fait du décalage culturel causé par la migration le point de départ de son futur développement artistique, avec une nouvelle langue et une nouvelle identité, éléments indispensables à la survie dans un pays étranger.
Les « Hurried words » sont devenus des « mots urgents » car il ne semble toujours pas possible de les appréhender et parce qu’ils restent incapables de retenir l’attention de l’autre. Le sèche-cheveux produit du bruit : il est en fait assourdissant. « Shen Yuan tente ici de montrer comment le langage se perd dans l’œuvre, en invitant le public à faire l’expérience des « mots urgents » après avoir changé de sujet, perdu le sens initial avant d’en retrouver un autre », analyse Guo Xioayan, commissaire de l’exposition.
L’artiste
Shen Yuan naît à Xianyou, dans la province du Fujian, en 1959. Diplômée de l’Université des Beaux-arts de Zhejiang en 1982, elle participe à l’exposition China Avant-garde au National Art Museum en 1989, avant de venir s’installer à Paris. Reconnue comme l’une des principales artistes de la scène contemporaine de son pays, elle donne à ses œuvres une tolérance et une délicatesse toutes féminines, empreintes d’un attachement très fort aux objets du quotidien. Selon ses propres mots, elle espère révéler le langage sous-jacent des choses, donner vie à l’inanimé, rendre magique le corruptible, transformer l’utile en inutile. Avec un tact certain, elle adopte divers tons et langages dans son œuvre : cris de bataille, murmures ; leur caractère improvisé et leur franchise provoquant tour à tour chez son public la méfiance, l’émerveillement, la joie. Selon elle, « la responsabilité de l’artiste est de donner la parole aux objets ». Si son souhait est de donner une langue aux objets inanimés, c’est pour leur offrir la capacité de communication en utilisant un langage existant ou non, oral ou écrit.
Les œuvres de Shen Yuan reviennent toujours aux thèmes du transfert, de la mémoire et du langage avec la voix du souvenir, ses propres mots, lourds de sentiments dissimulés. En même temps, elle exprime l’unicité et les limites du langage. Son œuvre la plus emblématique, Waste Your Breath (1994), était une installation complexe réunissant plusieurs langues de glace rouge sang fichées dans un mur du musée. A mesure que celles-ci fondaient, la « salive » était récupérée dans des récipients de métal situés en dessous. Peu à peu, au cours de cette exposition, le public voyait alors apparaître des couteaux de cuisine acérés derrière ces langues de glace, comme pour mettre en évidence la dualité des fonctions de la langue, dont la brutalité peut dépasser la seule violence physique.
L’UCCA est un centre d’art contemporain pluridisciplinaire, à but non lucratif, fondé par les collectionneurs Guy et Myriam Ullens en novembre 2007. L’UCCA présente des expositions d’artistes établis et émergents et s’impose désormais comme une référence en matière de partage des connaissances, via la formation et la recherche.