Francis Gruber occupe une place de premier plan sur la scène artistique des années d’avant-guerre, aux côtés de Giacometti, Balthus, Tal Coat, Fautrier et Buffet.
La ville de Nancy, particulièrement attachée à cet artiste qui est le fils de Jacques Gruber, célèbre maître-verrier de l’Art Nouveau et de l’Ecole de Nancy, a souhaité marquer les soixante ans de la mort du peintre en organisant une grande exposition au musée des beaux-arts.
Cette rétrospective qui rassemble près d’une centaine d’oeuvres de Francis Gruber et de son entourage immédiat, est l’occasion d’une réflexion sur la notion de modernité au XXe siècle qui s’inscrit entre figuration et abstraction.
Francis Gruber, la réalité nue
Confronté à la crise sociale et esthétique des années trente, Francis Gruber s’engage dans la voie de la « Grande Peinture », particulièrement sensible aux leçons de la tradition de la peinture classique. Indifférent aux recherches plastiques pures de l’art abstrait, il prône un retour à la figuration en privilégiant la figure humaine qu’il traite par un dessin particulièrement ciselé et intense. La guerre saura bien évidemment exacerber ses représentations. Hanté par le visage, ses grimaces, passions et souffrances, il découvre, dans la catastrophe mondiale, le pouvoir de la tragédie humaine et sa propre compassion.
Mais il est également des sujets plus ordinaires, des personnages debout dans l’atelier, une jambe sur une chaise, qui font tout autant écho aux désordres terrestres.
Soutenue par des couleurs à la fois sourdes et acides, quelquefois violentes, sa peinture saisit une réalité qui se mêle volontiers à une imagination inspirée des maîtres anciens des Ecoles du Nord, Bosch, Grünewald ou Dürer.
En pleine maturité, Francis Gruber pratique une écriture griffée, resserrée et vibrante, proche de celle de son ami Giacometti qui réduit volontiers ses personnages à la ligne. Ce réalisme sans concession sera partagé par un certain nombre de peintres, qui sauront ainsi témoigner de ces années d’avant-guerre en préférant la belle manière et la belle peinture au sujet.
Il est donc tout à fait légitime que le musée des beaux arts de Nancy revienne, depuis l’exposition de 1976*, sur cette oeuvre admirable et donne ainsi l’occasion de redécouvrir la démarche de Francis Gruber à l’heure où certains artistes d’aujourd’hui se réfèrent à lui. Parmi eux, Georg Baselitz qui exprime dans le catalogue de l’exposition le vif intérêt qu’il porte au peintre.
L’exposition présente une centaine d’oeuvres dont environ 80 huiles sur toile, une vingtaine de dessins et quelques sculptures. 70 sont de Francis Gruber retraçant son travail des années 30 à sa mort en 1948, les autres sont signées Giacometti, Balthus, Tal Coat, Fautrier, Dubuffet, Hélion, Marchand, Taslitzky …
*Francis Gruber : Kunsthalle de Berne (juin – juillet 1976), musée des beaux-arts de Nancy (août – octobre 1976), musée d’art moderne de la ville de Paris (novembre 1976 - janvier 1977)
Nouvellement entré dans la collection du musée grâce à la générosité exceptionnelle d’un collectionneur, L’Hommage à Jacques Callot (1942) est l’une des oeuvres majeures de Gruber.
Si l’illustre représentant de la Renaissance lorraine, Jacques Callot est un véritable chroniqueur de son temps en saisissant d’un seul coup d’oeil d’une pointe alerte et spirituelle les bouffons de cour, grotesques, farceurs et autres personnages de la Commedia dell’arte, l’artiste du mitan du XXe siècle convoque ce même coup d’oeil perspicace qui croque son environnement familier à la manière du graveur d’un trait vif et pointu, sans hésitation ni repentir.
Cette exposition sera présentée à l’automne 2009 au musée d’art Roger Quilliot de Clermont-Ferrand.