Le Musée des Beaux-Arts et d’Archéologie de Besançon présentera du 29 janvier au 26 avril 2010 l’exposition « Charles Fourier. L’Ecart absolu » dans le cadre du projet « Utopie et Innovation », qui regroupe tous les musées de la métropole Rhin-Rhône.
Utopiste par excellence, Charles Fourier (Besançon, 1772 – Paris, 1837) est un homme à multiples visages. Psychologue, il élabore une théorie des passions amoureuses, qui choqua tant ses contemporains qu'elle ne fut publiée qu'en 1967, plus d'un siècle après sa mort. Critique de la société, il imagine une communauté modèle dont il s'ingénie à détailler tous les aspects, planifiant même la couleur des uniformes ou la forme des meubles d'enfants. Visionnaire enfin, il prévoit une époque où les oranges mûriront à Varsovie et où l'on pourra transformer l'eau de mer en limonade …
Convaincu que les hommes sont capables de changer la société et que nos seules limites sont celles de nos désirs, il élabore une explication complète de l'univers, où s'inscrit un curieux système cosmogonique, et n'aura de cesse que sa vision idéale de la société devienne réalité.
Ainsi apparaît, au-delà de ses naïvetés et de ses outrances, un système cohérent, dont la modernité n'a pas fini de nous inspirer, qu'il s'agisse de son programme d'éducation, ou de sa conception du travail, où Fourier voyait un exutoire vital de la personnalité.
L’exposition, dans un premier volet historique, mettra au jour l’œuvre du grand théoricien en présentant ses archives, principaux écrits et théories. Cette partie de l’exposition fera la lumière sur ses disciples, sur les artistes qui se sont revendiqués fervents adeptes du Fouriérisme (Dominique Papety, Auguste Ottin, Auguste Bouquet, etc.) ainsi que sur les tentatives de réalisations pratiques de son système utopique. Les utopies sociales et scientifiques du XIXème siècle et leurs implications dans le champ artistique seront plus largement présentées.
Dans un second temps, le projet s’attachera à démontrer la contemporéanité de la pensée de Fourier. Un parcours en douze passions, pivots du système fouriériste, permettra une lecture originale des grands axes de l’utopie du philosophe : les cosmogonies, le règne de l’Harmonie, les architectures utopiques et le phalanstère, le « nouveau monde industriel » et sociétaire, l’organisation de la société en séries passionnées ou « Nouveau Monde amoureux », la pensée analogique, l’obsession des nombres et des mathématiques ainsi que l’éducation, l’enfance, la gastrosophie et la création permanente. Œuvres modernes et contemporaines viendront ainsi dialoguer dans une scénographie inédite.
Les artistes présentés, il va sans dire, ne sont pas tous des artistes fouriéristes. Leurs pratiques constituent toutefois une rencontre féconde avec l’imaginaire de Charles Fourier. Cette partie de l’exposition est à considérer comme une mise en écho de cette œuvre singulière tant dans ses aspects politiques que littéraires. Bien sûr, à l’instar de celle de Raymond Roussel ou d’Alfred Jarry, la pensée de Fourier a inspiré de grandes figures de l’art moderne, au premier rang desquels il faut citer André Breton et Robert Filliou et plus récemment des artistes contemporains tels que Paul Chan et Franck Scurti. Mais plus largement, l’imaginaire scientifique et mathématique de Fourier, son rêve d’une société idéale et harmonieuse comme la portée révolutionnaire de ses écrits résonnent dans de nombreuses productions contemporaines. Parce qu’elles incarnent des communautés imaginaires, donnent corps à d’autres systèmes de valeurs ou repensent le travail, l’entreprise, la famille ou l’amour, ces productions viendront s’en faire l’écho, rendant ainsi hommage à l’ « Autre monde » que Charles Fourier a imaginé sa vie durant. Une trentaine d'artistes et environ deux cent pièces seront présentés dans cette exposition.