Un château ! C’est souvent comme cela que les enfants perçoivent le CAPC, le musée d’art contemporain logé dans un ancien entrepôt portuaire monumental, construit au début du XIXe s. à Bordeaux. Cet entrepôt, traversé d’escaliers en pierre et de couloirs voûtés fonctionne à leurs yeux comme une forteresse labyrinthique et aveugle. De cette observation découle l’idée du nouvel accrochage de la collection : un déploiement d’œuvres de la collection du musée, conçu comme un rite d’initiation qui aborde les questions liées à l’apprentissage.
Les accrochages de la collection du musée sont périodiquement renouvelés selon des logiques diverses : autour d’un thème qui concerne un ensemble d’œuvres, en fonction de la parenté historique de certaines pièces, ou dans une approche plus formelle, en provoquant des rapprochements visuels ou érudits.
Dans cette exposition, ce sont les œuvres qui suscitent les questions. La démarche proposée est la suivante : on regarde, on oublie ce que l’on sait. Pourquoi ? Parce que l'exposition devrait s'appréhender depuis l’univers des enfants.
Les enfants reçus au musée ne se réfèrent pas, contrairement à leurs aînés, à une conception de l’histoire de l’art avec son échelle de valeurs et ses préjugés. Avant tout attentifs à ce qu’ils découvrent, ils manifestent une grande curiosité pour les œuvres présentées, qu’ils regardent et questionnent de manière très directe, avec souvent beaucoup de pertinence.
Au fil de cette exposition, c’est tout le public qui emprunte la même démarche : en partant du principe que l’on ne sait rien d’une œuvre, que voit-on, qu’en saisit-on, que comprend-on ? Et que fait-on de ce que l’on a compris ? Le public adulte devra désapprendre pour regarder à nouveau. C’est d’autant plus nécessaire dans un domaine comme l’art contemporain qui évolue par strates théoriques successives, et dont les indicateurs observables, formes, matériaux, codes et langages, changent sans cesse.
L’exposition Le Château consiste en un parcours de treize salles, rythmé par les propositions de dix-sept artistes et articulé autour de notions comme l’œuvre et le réel, le matériau ou son simulacre, la représentation mentale ou matérialisée, l’inscription dans l’espace, la mémoire, la métaphore d’un projet. Mais ce ne sont que quelques-unes des approches possibles de l’exposition : les œuvres sont là, irréductibles. Elles proposent d’autres visions, d’autres mondes possibles. Comment les approcher ? En s’émancipant de ce que l’on croyait savoir et en osant, à l’instar des enfants, une rencontre plus attentive et intuitive avec l’œuvre.
On sera entré dans un Château, et si l’exposition parvient à donner la parole aux œuvres, on ressortira d’un Musée.
Œuvres de Richard Baquié, Christian Boltanski, Philippe Decrauzat, Chohreh Feyzdjou, Fabrice Hyber, Anne-Marie Jugnet, Laurent Le Deunff, Guillaume Leblon, Dennis Oppenheim, Philippe Parreno, Diego Perrone, Dan Peterman, Présence Panchounette, Lili Reynaud-Dewar, Sarkis, Tatiana Trouvé, Johannes Van Der Beek, Kelley Walker, Lawrence Weiner, Heimo Zobernig.