NAPOLEON III ET EUGENIE RECOIVENT A FONTAINEBLEAU
L'art de vivre sous le Second Empire
Pour la première fois, le château de Fontainebleau consent un prêt exceptionnel de cent-soixante-dix œuvres d’art, meubles et objets, au musée des Arts décoratifs de Bordeaux, permettant d’évoquer le cadre de vie du couple impérial, les espaces de réception de cette résidence et, grâce à eux, les spécificités de ce style éclectique de la fin du XIXe siècle, encore mal apprécié aujourd’hui. La plupart de ces œuvres, inconnues du public, restaurées à cette occasion, sera présentée à Fontainebleau à la suite de l’exposition de Bordeaux.
On peut dire que, symboliquement, le Second Empire est né à Bordeaux. Il y a un siècle et demi, exactement le 9 octobre 1852, Louis-Napoléon Bonaparte, prince-président, en tournée de propagande pour sa réélection, prononce, devant le Grand-Théâtre de Bordeaux, son fameux discours dans lequel il propose le rétablissement de l’Empire et la paix, discours entendu par les Français qui, le 2 décembre de cette même année, le choisissent comme Empereur sous le nom de Napoléon III. Ce même 9 octobre, le futur Empereur décore de la Légion d’Honneur Jules Vieillard, le talentueux et actif directeur de la manufacture bordelaise de céramique, sise à Bacalan, dont il admire l’esprit d’entreprise. La belle collection des “Vieillard”, conservée par le musée des Arts décoratifs, illustre l’importance de ces objets primés dans les Expositions universelles. Le style du Second Empire à Bordeaux et dans sa région est encore visible dans de nombreux décors intérieurs qui témoignent de son désir de confort, des techniques industrielles chères à l’Empereur, sans oublier les pastiches du passé qui rassurent et rapprochent cette nouvelle société, issue de la grande bourgeoisie, de l’aristocratie. Dans le catalogue de l’exposition, plusieurs essais rappellent cette présence.
Parmi les châteaux destinés aux souverains français depuis François Ier, Fontainebleau est un des plus importants pour recevoir les invités ; Napoléon III et Eugénie y séjournent et invitent la cour et les grands de ce monde pendant les mois de mai et juin. L’exposition a souhaité mettre en valeur les appartements privés et les lieux de réception, hérités de leurs prédécesseurs, réaménagés au goût du jour ; des meubles et des objets d’art restaurés et déplacés pour la première fois évoquent le fumoir, le musée chinois, le théâtre et le fameux boudoir de Marie-Antoinette dont les éléments de décor avaient été commandés par l’épouse de Louis XVI, reine pour laquelle Eugénie avait une grande admiration. Les deux grands portraits traditionnels du couple, d’après Franz-Xaver Winterhalter, accompagnés de la statue du prince impérial avec son chien Néro de Jean-Baptiste Carpeaux (prêt du musée national du château de Compiègne), accueillent les visiteurs.
Au second niveau, un des deux-cent-cinquante appartements du château de Fontainebleau mis à la disposition des invités, comprenant une antichambre, une chambre et un cabinet de toilette, est reconstitué à l’identique, avec les meubles et les objets mais aussi les tissus issus du garde-meuble impérial de Fontainebleau. La fin du Second Empire en 1870, sans l’installation d’une autre dynastie, a laissé d’importantes commandes non utilisées, témoignage de la volonté du couple de faire travailler les nouvelles industries. Cette reconstitution ne serait pas complète sans un exemple magnifique de la mode féminine, une robe à crinoline, dont Eugénie est une des protagonistes. Grâce au prêt du musée Galliéra de Paris, elle sera présentée en face de l’appartement des invités. Enfin, dans la cour du musée, des grandes photographies, accrochées sur les murs, restituent les décors du ravissant théâtre de Fontainebleau, commandé par Napoléon III en 1854 à son architecte Hector Lefuel.
Les arts décoratifs du Second Empire n’ont pas toujours été à l’honneur ; en 1979, les musées de Philadelphie, de Detroit et la Réunion des Musées nationaux ont organisé à Paris au Grand Palais une des premières grandes manifestations sur cette période négligée jusqu’alors ; à la suite, les musées du Louvre et d’Orsay, les châteaux de Compiègne et de Fontainebleau, pour ne citer que les plus importants, ont présenté dans leurs collections des ensembles d’objets et de meubles de grande qualité exécutés par ces artistes perfectionnistes de la fin du XIXe siècle ; aujourd’hui, le musée des Arts décoratifs de Bordeaux apporte sa contribution à cette réhabilitation grâce à la grande générosité du château de Fontainebleau et à un partenariat exemplaire.