Exposition Yann Kersalé
À DES NUITS LUMIÈRE
LA VILLE, LA NUIT, LA MER du 15 décembre 2012 au 19 mai 2013
Le Fonds Hélène & Édouard Leclerc pour la Culture accueillera Yann Kersalé aux Capucins de Landerneau à partir du 15 décembre 2012. L’artiste revisite pour l’occasion ses explorations lumineuses menées en terre bretonne et invite à traverser ses paysages inédits.
Après le succès de son exposition inaugurale consacrée à Gérard Fromanger, la nouvelle halle se transforme. Elle vient réinscrire contemporanéité et actualité
au cœur de sa programmation, avec la présentation des installations visuelles et sonores de Yann Kersalé. Plateforme d’expositions dédiée à toutes les formes d’art contemporain, et plus particulièrement aux expressions figuratives, elle nous donne à découvrir les œuvres des artistes emblématiques de notre temps.
7 merveilles + une, en sept alinéas par Jean-Louis Pradel, septembre 2012
L’installation de Yann Kersalé plonge la vaste halle des Capucins de Landerneau dans la lumière crépusculaire d’une nuit d’été où chacun est invité à trouver son chemin à travers le labyrinthe que dessinent, tel un jeu de cubes cyclopéens, sept « black boxes » de dimensions diverses. Plus ou moins hautes ou larges, ce sont les maisons d’une ville fantomatique qu’habitent des univers spécifiques de lumières, de sensations et d’émotions, où l’énigme se conjugue aux données précises, prélevées sur le terrain, fût-il sous-marin, de ce Finistère cher à l’artiste que les Celtes appelaient plus justement Penn-ar-Bed, début du monde.
Rien n’a jamais eu lieu que le lieu, et c’est lui qui est l’objet même de l’art de
Yann Kersalé. Qu’il soit lointain ou proche, qu’il soit le but d’une expédition aux antipodes ou qu’il soit contenu par les contours d’un bâtiment très urbain, qu’il
soit somptueusement manufacturé ou parfaitement naturel, le lieu est l’objet d’une métamorphose, voire d’une transfiguration. Comme il y a des sculptures de marbre, ce sont autant de sculptures de nuit. Émancipées des contingences de la pesanteur, insaisissables et fluides, elles déplacent allègrement toutes les conventions de l’art contemporain pour n’en tutoyer que ses origines quand, il y a près d’un siècle, avec les ready-made de Marcel Duchamp, l’acte fit l’art, au détriment de l’usage qu’il avait fait jusque-là des objets, et que le carré noir encadré d’une marge blanche de Kazimir Malevitch tournait la page de la représentation au profit d’une nuit prodigue et de ses rêves d’aventures immatérielles.
Ne reste à habiter que le lieu. Plus ou moins évanescent, il est d’autant plus celui de la mémoire ou de la pensée. La fabrique d’imaginaire mise en œuvre par Yann Kersalé fait surgir des présences d’autant plus troublantes qu’elles ne seraient constituées que d’une pure spatialité alliée à une pure temporalité. Quelle que soit l’échelle, c’est toujours démesuré. Comme le parfum le plus ténu ou le son d’une voix franchissent tout-à-coup les déserts de l’oubli pour offrir à l’instant fugace d’une rencontre un sentiment d’éternité, les « révélations » proposées par Yann Kersalé arrachent à la négligence confuse à laquelle sacrifie si souvent le regard qu’égarent les ténèbres, l’évidence d’une présence. Flagrante, et proprement infinie, elle échappe à toute mesure.
Ici sont réunies les sept merveilles du monde de Yann Kersalé qui se réfèrent, tout naturellement, à sept des merveilles des alentours de Landerneau dont l’artiste voyageur n’a jamais cessé de se réclamer avec fierté. Le lointain bascule dans l’ici et maintenant d’une proximité ensorcelante, fût-il cueilli en des temps antédiluviens ou résolument actuels. La réalité, fût-elle minérale, végétale, aquatique ou technologique entre dans le principe d’incertitude de la nuit qu’elle traverse avec la légèreté qui convient aux récits légendaires parée d’habits de lumière.
Les sept maisons de cette ville rêvée proposent autant d’installations /captations in situ poétiquement intitulées Profondeur de lames, pour accueillir les prairies sous-marines d’Océanopolis, Verticale allongée pour le phare de l’île Vierge de Plouguerneau, Dorsale des vents pour le sillon noir de Pleubian,
Chaos du feu pour le chaos du Diable de Huelgoat, Enrochements d’ombres pour les alignements de Carnac, Éboulis d’images du monde pour le radôme de la cité des Télécoms de Pleumeur-Bodou, Structure chrysalide pour trois ruines de la ZAC de la Courrouze de Rennes. Présentées en avant-première l’hiver dernier par l’Espace Fondation EDF de Paris, elles trouvent ici une nouvelle ampleur, des enrichissements, une grâce que leur confère le plaisir de se retrouver chez elles, au cœur d’une ville qui a préservé le dernier pont habité d’Europe sous lequel se fait sentir, en pleine terre, le mouvement de la marée autant que la nostalgie d’une époque révolue où le passage, loin d’être un non-lieu, était celui de la vie même, dans toute sa complexité sociale, humaine et politique.
Enfin, une huitième maison, ouverte jour et nuit sur la rue par une large
vitrine, accueille la restitution de cinq installations supplémentaires, inédites,
en perpétuels renouvellements, immergées dans la rade de Brest qui témoignent plus que jamais que « la nuit remue » selon les mots de Henri Michaux, cet autre poète funambule qui avait lui aussi choisi d’explorer la voie étroite et périlleuse qui, en un fragile équilibre, fraye son chemin entre le réel et le rêvé.
Yann Kersalé Éléments de biographie
Yann Kersalé est un artiste-sculpteur qui utilise la lumière pour faire l’art, comme d’autres se servent de multiples matériaux d’expression. Il choisit la nuit, lieu d’élection du sensible comme terrain d’expérimentation. En mettant en mouvement espaces et constructions, il propose de nouveaux récits à la ville contemporaine.
Yann Kersalé cherche, au travers d’éléments sociologiques, historiques, géographiques ou architecturaux spécifiques, une base de création pour en soustraire une thématique narrative. Il crée ainsi des fictions lumineuses en milieu urbain, des parcours géo-poétiques dans la nature ou élabore ses propres lumières - matière. C’est ainsi que la plupart de ses projets sont conçus.
Depuis trente ans Yann Kersalé parcourt le monde et explore différentes formes de paysage du crépuscule à l’aube. Il est né le 17 février 1955 en France. http://www.ykersale.com