Pour sa première grande exposition monographique à Paris, François Curlet, adepte du détournement d’objet, déploie son univers distancié qui met à mal les clichés du monde. Slogans publicitaires, faits divers ou objets du quotidien et fictions sont prétexte à une poésie subtile à la fois existentielle et populaire. Emerge un monde nourri par les paradoxes où, à l’image du poisson fugu très prisé au Japon, le mets délicieux peut se transformer en un poison redoutable. Le visiteur oscille entre plaisir cérébral aux apparences légères et une gravité latente qui peut ressurgir à tout moment.
ENTRE SCEPTICISME JOYEUX ET RIRE CYNIQUE
« Fugu », exposition monographique consacrée à l’artiste François Curlet (né en 1967, vit et travaille à Bruxelles), présente au Palais de Tokyo un important ensemble d’œuvres datant de 1985 à 2012. L’artiste développe depuis la fin des années 1980 un corpus où le monde matériel est démantelé, déréglé et distordu au travers d’une poésie du quotidien. En usant autant de l’artefact que de la philosophie, l’artiste développe une stratégie où les associations d’idées se transforment en allégories, où l’esprit se trouve saisi par de surprenants dialogues de formes, mettant en mouvement le pouvoir de l’imagination et réinventant en permanence notre environnement naturel et matériel. De l’existentiel au trivial, l’intérêt de François Curlet semble n’avoir aucune limite, aucun territoire. Encourageant l’esprit critique, son travail invite à la réinvention, à la surprise, en usant autant d’un vocabulaire proche d’un scepticisme joyeux que du rire cynique.
DES OBJECTS POUSSÉS À L’ÉTAT-LIMITE
Atomique, l’ensemble de son travail n’obéit cependant à aucun algorithme, et chaque œuvre semble plutôt procéder de son propre théorème, François Curlet cherchant dans chaque objet ses possibles qualités « radioactives ». Micro-histoire, faits divers, évènements historiques, brèves politiques, slogans publicitaires, anecdotes sociales, produits dérivés et jeux de mots sont autant de terreaux pour le travail de l’artiste. Vision hallucinatoire, l’œuvre de François Curlet cultive l’état- limite, où l’objet oscille entre fictions et réalités, jouissance et empoisonnement, à l’image du poisson fugu. Dans le sillage d’artistes tels qu’Erik Satie, George Brecht, Jef Geys, John Knight ou du film Mon oncle d’Amérique (1979) d’Alain Resnais, François Curlet dessine un univers où l’humour est aussi utilisé pour défaire les protocoles sociaux.