Travaillant dans les zones troubles entre conscience et inconscient, rêve et réalité, l’artiste Joachim Koester explore de vastes champs de connaissance qui vont des rituels haïtiens aux séances ésotériques en passant par le yoga, la prise de Peyotl et autres expériences hallucinatoires. Il en ressort des œuvres qui brouillent les pistes entre documentaire et fiction, laissant à chaque visiteur le soin de reconstituer des itinéraires mentaux qu’il n’aurait sans doute jamais empruntés. L’exposition au Palais de Tokyo permet de découvrir des films évoquant les séances ésotériques de John Murray Spears ou les recherches de Jerzy Grotowski sur la conscience supérieure de l’acteur et le «cerveau reptilien».
DANS LES PROFONDEURS DE LA CONSCIENCE
Depuis une dizaine d’années, les recherches de Joachim Koester (né en 1962, vit et travaille à Copenhague et New York) portent sur certaines formes d’explorations alternatives à la conscience rationnelle. Il y convoque des figures singulières ayant développé des expérimentations du corps comme outil permettant d’accéder à la connaissance. L’exposition du Palais de Tokyo, essentiellement constituée d’œuvres nouvelles, est construite en deux zones « physiques ». Dans une zone relative au corps, l’artiste revisite des expériences d’accès par le mouvement à des états de conscience profonds.
DES RITUELS HAITIENS AUX SÉANCES ÉSOTÉRIQUES
Deux films évoquent Jerzy Grotowski (1933-1999), écrivain et metteur en scène polonais qui a tenté de redécouvrir une conscience supérieure de l’acteur par des exercices d’ondulations de la moelle épinière s’inspirant de rituels haïtiens et du yoga. Il se référait au « cerveau reptilien », défini par Paul D. MacLean comme une couche sédimentaire presque inconsciente du cerveau humain, responsable des mouvements corporels et des besoins primaires. Un autre film prend pour point de départ les séances ésotériques de John Murray Spear. Cet activiste et spiritualiste américain du XIXe siècle a tenté d’accéder aux plans d’un prototype de machine à coudre par l’intermédiaire d’une chorégraphie réalisée dans un état de transe.
UNE EXPOSITION AVEC EXTENSION
Pour la partie « cérébrale » de l’exposition intitulée « Seismology », l’artiste a invité Lars Bang Larsen et Yann Chateigné Tytelman, historiens d’art, curateurs et chercheurs, à concevoir une extension de l’exposition présentant un ensemble de documents d’archives issus de leurs recherches sur le « système nerveux », explorant d’autres relations possibles entre art, science et contre-culture. Joachim Koester nous propose de (re)découvrir une constellation de figures et d’idées, esquissant ainsi une réflexion sur les rapports physiologiques entre le corps et l’esprit, convoquant ésotérisme et mysticisme. Adoptant un point de vue subjectif vis-à-vis du document, il propose au visiteur de s’immerger dans l’interstice entre documentaire et fiction.